Bruits de couloir


Ce texte est illustré par Let's

« Vous avez à nouveau jouer dans les couloirs hier soir ! Et ça a duré une bonne partie de la nuit ! » Personne autour de la table n'osait plus regarder Mamie.

« Je vous l'ai déjà dit, restez dans vos lits, petits garnements ! » Les cinq enfants ici réunis restaient silencieux, s'interrogeant mutuellement des yeux.

Une fois dans le jardin, les discussions allaient bon train. C'est Pauline, la benjamine, qui menait les débats :

« Une chose est sûre, ce n'est pas moi ! Ni Sarah qui dort avec moi. Alors ne reste que vous trois !

* On y est pour rien s'insurgea Martin ! Et puis c'est peut être juste Mamie qui entend des bruits,,,
* Non, intervint Alexis, moi aussi j'ai entendu et Papi aussi.
* Et alors, reprirent les autres en choeur c'est quoi ces bruits ?
* C'est quelqu'un qui se déplace à l'étage devant nos chambres. L'autre fois j'ai entendu le bruit et je me suis levé et c'était Hervé qui se promenait !!
* Alors c'est toi ! l'accusa Sarah. D'ailleurs c'est logique, tu es le seul qui dort tout seul, c'est plus pratique pour aller faire le loustic…
* Mais j'allais juste aux toilettes. En plus, j'ai fait très attention ! Pour ne pas réveiller toute la maison, je n'avais pas mis mes chaussons, j'étais en chaussettes ! Et dormir accompagné ne suffit pas à vous innocenter. Quand Pauline est assoupie, rien ne la réveille, Sarah pourrait danser sur le lit sans troubler son sommeil !

Le silence se fit, chacun réfléchit.
* Oh, et puis tant pis, on s'en fiche, allons plutôt jouer à chat autour de l'étang !
* D'accord mais soyons prudents, conseilla la sage Pauline. La cousine de Mamie, Céleste, s'y est noyé il y a des années.
* On sait, répondirent les autres agacés. Mamie ne cesse de le répéter !
* A moi, elle m'a même montré une photo, insista Hervé. Elle a été prise le jour de l'accident.
* Vraiment ?
* Je suis sûre qu'il ment !
* Non, je ne mens pas ! Même qu'elle ressemblait beaucoup à Sarah. Elle avait les cheveux comme elle tous bouclés. Sur la photo elle avait une petit robe blanche avec de grandes chaussettes. Elle tenait ses souliers bleus à la main et Mamie par la taille de l'autre main. Elles avaient notre âge et venaient comme nous pour les vacances dans cette vieille maison que Mamie a reçu en héritage.
* Elle me ressemblait tellement ? interrogea Sarah
* Oui, sauf qu'elle, elle était rousse.
* Arrêtez avec toutes ces histoires, vous me donnez la frousse ! Allons plutôt jouer dans le vieux pressoir !
* Il paraît que pendant la guerre, le père de Mamie y a retrouvé un soldat…
* Tais-toi ! Sarah. Il n'y a que des chats désormais. Et peut-être que les chatons sont nés !

Ce soir-là, à table, on ne parlait que de l'événement de la journée : cinq bébés chats étaient arrivés. Les enfants se les étaient déjà partagés !

Mais au moment du dessert, changement d'atmosphère ! Mamie remit sur le tapis l'histoire de promenade dans les couloirs au grand désespoir des enfants.

Alors qu'un concert de protestations s'élévaient, Papi prit son petit air amusé. Papi était un blagueur, un vrai farceur, toujours a imaginé ce qui pourrait les dérider !

« Au village, commença-t-il, le bruit court que la maison est hantée !

* Hantée !!! reprirent cinq voix plus alléchées que terrifiées !
* Et oui mes enfants, hantée ! Une légende du pays prétend que la nuit une ombre vêtue de blanc se promène dans la maison !
* Janick, s'ils font de mauvais rêves, c'est toi qui te lève !
* Non, non, Mamie, promis on ne fera pas de cauchemars, laisse le finir l'histoire ! protestèrent les polissons à l'unisson.
* Bien, bien, comme vous voudrez ! Après tout, si ça vous amuse ces idioties ! Moi du moment que vous restez dans vos lits !
* Ne t'en fais pas, quand j'en aurais fini, ils resteront au fond de leur lit bien blotti ! répondit le papi.
* La suite, la suite, Papi !
* Et bien voilà : il y a très très longtemps, bien avant que votre grand-mère et moi ne naissions, il y avait dans cette maison d'étranges apparitions. Il ne s'agissait au départ que de… bruit de couloirs, enfin si j'ose dire, dit-il dans une grand sourire. Les habitants de l'époque eurent bien du mal à encaisser le choc lorqu'au milieu de leur salon, ils virent leur grand-tonton mort dans une guerre de Napoléon ! Le maître des lieux, qui était un peureux, voulut immédiatement quitter les lieux ! C'est d'ailleurs ce qu'il fit sans délai et depuis la demeure est restée inoccupée, excepté lors des congés d'été. Le poltron en question est aussi l'un de vos ancêtres (mais lui, contrairement à vous, n'appréciait pas beaucoup les spectres !) et c'est pourquoi un jour vous serez de cette maison les héritiers, elle sera votre “home, sweet home” et avec elle un cortège de fantômes !
* C'est vrai Papi, trépigna Alexis, des vrais de vrais fantômes ? Avec des chaines, des boulets et tout et tout ?
* Pfffffffff ! soupira Pauline, tu ne vois pas qu'il se moque de nous ?
* Mais pas du tout, répondit Papi subjugué par l'incrédulité de sa petite fille.
* Dis Papi, tu nous fais un lait à la vanille ? Moi j'ai trop peur pour aller me coucher, je ne veux pas croiser un fantôme et son boulet !
* Une chose est sûre, mensonge ou pas, ce fantôme là n'a pas de boulet ! reprit Pauline concentrée. Sinon le vieux parquet se serait écroulé jusqu'au rez de chaussée ! C'est un fantôme bien élevé qui a pensé à se déchausser et se promène en chaussettes lorsqu'il part en goguette !

Tous partirent dans un grand éclat de rire à l'idée de ce spectre en chaussettes qui trainait ses guêtres de manière si discrète dans leur couloir le soir.

Et c'est le cœur léger qu'ils rejoignirent ensemble leur chambre, imitant en riant les glissades et mines effroyables de ses improbables revenants. Ils sombrèrent tous rapidement dans un sommeil profond. Personne n'entendit de bruit pendant la nuit.

Et pourtant…

(la dernière planche montre une petite fille fantomatique répondant à la description de Céleste se promenant en chaussettes dans le couloir)

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